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"Penser demain"
La première fois que j’ai parlé à Lucas, c’était au travers d’un message par email en décembre 2013. J’avais fait le déplacement de Yaoundé à Douala pour assister au SUD2013 (Salon Urbain de Douala 2013). J’étais, à cette période, une étudiante curieuse, en mal de découvrir plus, sur l’art contemporain et sa manifestation en milieux urbains. Tellement impressionnée par son oeuvre «Le Jardin Sonore » à Bonamouti, et n’ayant pas pu le rencontrer pour lui dire combien j’avais été en admiration devant ce travail, j’ai pris l’initiativede lui faire un mail auquel il a généreusement répondu. En 2017, j’ai eu la chance de travailler comme assistante-curatrice pour le SUD2017, et d’être témoin de toute la magie conceptuelle, artistique et généreuse qu’est Lucas Grandin. C’était une expérience exceptionnelle que d’avoir à travailler avec lui, à telle enseigne que je l’appelais « Sacré Lucas ». Il y a exactement un an, il m’envoyait la première série de ce voyage pictural. Et moi de lui répondre:“j’adore ces peintures. Elles sont étrangement magnifiques. C’est plein de sujets lourds n’est-ce pas ? Bref tu m’en diras une autre fois[...]” Il m’a fallu près d’un mois, après qu’il m’ait envoyé la série finale de ce nouveau visage, pour pouvoir mettre noir sur blanc mon ressenti et mon interprétation sur ce travail. Pas par difficulté à le comprendre, mais par volonté de m’y plonger en rentrant vraiment dans ce nouvel écosystème. Lucas nous décrit le monde aussi cru qu’il est, aussi fleuri que monstrueux, aussi verdâtre que grisâtre et toxique. Il interroge les fruits de milliers d’années d’anthropocentrisme et de monoculture, qui ont reposé sur les fantasmes d’une certaine modernité et de ce que cette dernière a entraîné au fil des années.De comment la poursuite effrénée de ce monde a contribué à l’effacement et à « l’invisibilisation » des différences et des autres mondes. Lucas nous présente à nu nos prisons actuelles: les régimes politiques dictatoriaux, les institutions opprimantes qui volent les libertés individuelles telles que l’État, les religions, la police et l’argent, pour ne pas dire le capitalisme ou l’obsession d’une société assoiffée de produire, férue par les démons de la consommation et toujours prête à tout dévorer à pleines dents. Dans ce monde actuel, la morbidité est quotidienne : on la vit, on la voit, on la sent. Lucas Grandin nous appelle à sortir de nos différentes zones de confort pour aller vers d’autres mondes qui nous accompagnent et font chemin avec nous. Mondes que l’on détruit malheureusement sans penser à demain. Cette série est une invitation à la prise de conscience de l’importance d’un réel communautaire qui implique une urgence à la connectivité avec le monde végétal, animal, terrestre, aquatique. Nous sommes tous des corps d’eau. Dans ces compositions où le monde végétal et animal font corps et âmes avec des foules à la fois humaines et urbaines, extraterrestres, il y a aussi la célébration du vivre ensemble à travers fêtes et orgies, des moments d’une photographie de groupe. Il y a ici une invocation de l’importance de l’amitié, de la famille, une invitation à sortir de nos cocons individualistes et souvent oppressifs pour connaître, s’intéresser, sortir des abîmes dans lesquels nous sommes engloutis pour s’ouvrirà l’autre et regarder de l’autre côté vers le Sud. Dans cet univers gluant, plumeux, poilu, il faut secréer des espaces de refuge, des oisifs de paix, comme la grenouille verte à côté de la rivière, reposant sur les prairies dans son tapis vert douillet. |
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The first time I spoke to Lucas was through an email I sent in December 2013. I had traveled from Yaoundé to Douala to attend SUD2013 (Salon Urbain de Douala 2013). At that time, I was a curious student, eager to get to know more about contemporary art and its relations to urban settings. I was so impressed by his work «Le Jardin Sonore» in Bonamouti, but I had not got the chance to meet him to tell him how admirative I was of his work. I took the initiative to send him an email to which he generously replied. In 2017, I was lucky enough to work as an assistant curator for SUD2017, and to witness all the conceptual, artistic and generous magic that Lucas Grandin bears. It was an amazing experience to have to work with him, so much so that I ended up called him «Sacré Lucas». Exactly a year ago, he sent me the first series of this pictorial journey. To which I replied : “I love these paintings. They are strangely beautiful and yet full of heavy topics, aren’t they ? Anyway you’ll tell me another time [...]” It took me almost a month, after he sent me the final series of this new facet of himself, to be able to clearly express my feelings and interpretation of this work. This was not due to a difficulty in understanding it, but I deeply felt I had to fully immerse myself in this new ecosystem. This new face of him, although two-dimensional, remains very sonorous and sculptural.
Lucas bares up our current prisons : dictatorial political regimes, oppressive institutions that steal individual freedoms such as state, religions, police and money. Not to mention capitalism or a society obsessed with production, alured by the demons of consumption and always ready to devour everything to the fullest.
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